Bonjour à tous et à toutes,
Tout d'abord merci pour vos témoignages, vos solutions et vos réponses aux précédents post. Chaque témoignage est tellement bouleversant et singulier et je suis désolée pour tout ce qui s'est passé pour vous... Aujourd'hui, nous avons plus de moyens pour lutter contre cela, comme ce forum.
Aujourd'hui, j'ai décidé de vous écrire. Pourquoi ? Et bien, à l'âge de 23 ans, je souhaite vous partager mon témoignage, notamment concernant "l'après-harcèlement" et ses effets. Ceci n'est ni un témoignage "d'espoir" ni pour attirer la pitié. Ce témoignage se veut partager MA vérité. Si j'ai décidé aujourd'hui de vous la partager, c'est pour vous sensibiliser à l'importance de ce "après" dont on parle si peu mais également pour moi-même. 10 ans après, je reste marqué par ce fléau.
Bon. Par où commencer ? J'avais 10 ans et demi. Je venais de rentrer au collège. J'ai toujours été "la fille bizarre", qui n'avait pas trop d'ami.e.s. Jusque-là, ça ne m'a pas dérangé. J'avais "mon petit groupe" et puis j'étais assez contente. Malheureusement tout bascule 1 an après. Je "tombe amoureuse" d'un garçon de ma classe. Ce garçon faisait partie des mecs les plus populaires de ma classe. Donc, on a commencé à se moquer de moi car "la fille bizarre" aime le "garçon populaire". Toute la classe s'y est mis : rires, moqueries, humiliations en tout genre : une fois on m'a même déshabillé... Même le garçon en question s'est mis à se moquer de moi et en me rabaissant/m'humiliant en public pour faire rires les copains. Cela a commencé à se propager sur internet. Je recevais des messages sur facebook en me demandant de me suicder ou encore des menaces du style : "si tu lui adresses la parole, on va te défcer." Cependant, je pense que ce qui a été le plus dur pou moi, c'est le rejet, être mis de côté. En effet, je voyais tout les gens de ma classe se faire des après-midis en ville ou faire leurs anniversaires et moi? je n'ai jamais été invité.
Bref. Ca s'empire. Des rumeurs ont commencés à circuler sur moi. Des altercations dans les vestiaires. Et puis, la fois de trop : un groupe de filles a décidé de me suivre jusqu'à chez moi en m'insultant et me rabaissant pendant tout le chemin. J'étais seule contre un groupe de 10. Ce jour-là, j'ai pensé très fort à mettre fin à mes jours mais j'ai eu la force de ne rien tenter.
Je n'en ai jamais parlé à personne et je le regrette. Cependant, il y a 10 ans, le harcèlement était tabou et l'émergence des télé-réalités faisaient que "c'était à la mode de rabaisser les gens". Etre une victime était très mal vu. Malheureusement ces idées là m'ont empêché d'être sauvé de cet enfer. Bon. Les années collèges passent et je me raccrochais aux quelques amis qui me soutenaient. Mes petits "anges" comme je les appelle. Je ne les remercierai jamais assez de tout ce qu'ils ont fait pour moi.
Lors de l'entrée au lycée, quelques uns de mes harceleurs ont décidé de s'excuser, notamment le garçon en question. Il s'est excusé pour tout le mal qu'il m'a fait et m'a dit qu'il "suivait" les autres. Ce jour-là, je n'ai pas décidé de le pardonner mais je l'ai entendu et...ça m'a fait du bien. Ca m'a fait du bien de savoir qu'il regrettait et qu'il s'est rendu compte de tout le mal causé. Cependant, je n'ai jamais réussi à lui pardonner, ni aux autres de mes harceleurs...
Quand un harcèlement nous touche, ça nous marque à vie. Malheureusement, ça été mon cas. Lors de mes années lycées, j'ai commencé à reprendre confiance en moi. J'ai décidé de "rattraper" ces années perdues. Me voyant être appréciée, j'ai commencé à me créer une sorte de "personnalité", en mode "faux-self". J'étais la meuf rigolote, qui faisait rire la classe et qui prenait soin des autres, qui faisait TOUT pour les autres. Avec du recul, je sais que cela m'aidait à ne surtout pas parler du harcèlement subi mais également à être aimée... Comme si je voulais "réparer" ces trous qu'ils ont causé en moi...
Ca marchait, du moins je pensais que cela marchait... J'ai décidé de suivre des études de psychologie par la suite. Bizarre, non ? ahaha (c'est ironique). Pareil, je fais tout pour être aimée et être appréciée en m'investissant à 200% pour les autres. Peut-être trop... Et puis, ces cauchemars, ces souvenirs qui continuent de me hanter encore et encore... Mais surtout, je me rends compte d'un chose. Ma relation avec les hommes. Catastrophique.
Bon. Il est facile de relier ma difficulté avec les hommes et la "cause" de mon harcèlement au collège (il n'y a pas que cela évidemment). Cependant, j'ai du mal, encore à l'heure actuelle, de m'en sortir. Je ne fais jamais confiance aux hommes. J'ai toujours l'impression/l'appréhension qu'on se "moque" de moi ou pire, qu'on va m'abandonner. alors qu'est-ce que je fais ? je fais tout foirer. Les souvenirs subsistent et me font encore mal. Parfois, je revois mes harceleurs et tout me revient. Encore il y a quelques mois, je suis retombée sur les messages que l'on m'envoyait sur facebook où l'on m'insultait, rabaissait ou humiliait...
Mes blessures ne sont pas guéries. Cependant, je me suis rendue compte que cela impactait toutes mes relations : amoureuses, amicales, et même professionnelles pour vous dire... Il m'a donc paru nécessaire de suivre une thérapie. Je ne voulais plus qu'ils aient autant de pouvoir, encore des années après !!!!! Cependant, au delà de la thérapie, il m'a fallu être au clair avec ce que j'ai vécu et comment j'ai survécu : car oui, aujourd'hui je peux le dire : JE SUIS UNE SURVIVANTE. Et ça ils me l'enleveront pas !!!! J'ai décidé de faire une force. Une force en moi, mais également une force pour les autres puisque les études que je suis en train de faire sont également une manière d'aider les autres.
Aujourd'hui je survis encore ! je fais une thérapie, j'essaye de comprendre les mécanismes de mes blessures. Parfois, j'ai l'impression "d'oublier" certaines choses de mes années collèges, effectivement c'est le stress post-traumatique, cependant j'essaye et je ré essaye de me battre. Oui je me bats contre eux mais surtout contre tout ce système également que j'ai décidé de dénoncer.
Alors oui, on peut s'en sortir et en faire une force de vivre.