Je ne sais pas si on peut dire que j'ai été à proprement parler harcelée... Ce n'est pas à moi d'en juger. D'après ma meilleure amie, c'est le cas. Ce qui est sûr c'est que je souffre de ce que j'ai vécu.
Cela a commencé dès le début de mon année de 6e : dès le premier jour, le professeur principal nous a demandé nos dates de naissances pour vérifier qu'il n'y avait pas d'erreur dans sa liste. Ayant un an d'avance et à cette époque n'ayant pas peur du regard des autres, je suis rapidement devenue la cible facile. On sait ce qu'est le collège, tout le monde cherche son identité même si cela signifie d'écraser les autres.
Je me rappelle en particulier d'un évènement qui m'a marquée pendant le tout début de l'année : cela devait être la deuxième semaine de cours. Un attroupement avait lieu au milieu de la cour avec de nombreux élèves de ma classe. Naturellement, j'ai voulu aller voir de quoi il s'agissait, mais en m'approchant un garçon m'a dit "Non, toi tu ne viens pas parce que nous on est des copains du troisième jour alors que toi t'es une copine du quatrième jour". Bon au moins il me disait que j'étais une copine, c'était déjà pas si mal par rapport aux autres. Suite à ces paroles, une fille est arrivée et m'a donné des coups avec son sac. Je n'ai évidemment pas insisté davantage pour m'intégrer ce jour là.
La situation ne s'est pas arrangée à cause de ma stupidité : quelques temps après le début de l'année, nous nous rendions en cours de sport. Nous devions nous éloigner du collège pour rejoindre un stade, et des garçons de ma classe se sont crus malins de sonner à des portes, jeu somme toute classique au collège. Mais la situation m'a dérangée car j'ai pensé aux gens qui vivaient dans cette rue, qui pouvaient très bien être de jeunes parents venant d'endormir leur enfant ou bien des personnes âgées ayant du mal à se déplacer. C'est pourquoi je suis allée prévenir le professeur (grave erreur ma chère). Malgré le fait que je n'ai donné aucun nom, j'étais immédiatement taxée de balance. D'autant plus qu'ils se sont prit 2H de colle. Le pire c'est qu'ils se sont balancés tout seul, le prof a juste demandé qui avait sonné aux portes et ils se sont dénoncés, mais c'est quand même moi qui m'en suis prit plein la gueule. La nouvelle a vite circulé, dès le midi à la cantine des 3e m'insultaient déjà de balance.
Il semblerait que j'ai effacé de mon cerveau une grande partie de cette période, mais certains éléments me restent. Je me rappelle de me faire frapper dans la file de la cantine sans raison. Je me rappelle d'être seule à chaque instant. Je me rappelle me faire attraper, traverser la cour sans toucher le sol et me faire plaquer contre un banc. Je me rappelle me faire gifler parce que j'essayais d'entamer une conversation. Je me rappelle passer mes récréations derrière les casiers pour ne pas me faire remarquer quand je n'étais pas d'humeur à me prendre une insulte ou une remarque sur mon physique.
Beaucoup de gens ne participaient pas à tout cela, mais ils ne venaient pas non plus vers moi pour m'aider à m'intégrer.
C'est ma meilleure amie d'aujourd'hui qui m'a sauvée. Elle a débarqué dans ma vie sans crier gare le premier jour de 5e, lorsque nous ne connaissions personne d'autre dans la classe où nous étions et que nous nous sommes mises à côté l'une de l'autre dans toutes les matières. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans elle.
Mais même avec sa présence, les autres ne s'arrêtaient pas. Je me rappelle d'une fille qui est arrivée dans le collège en 5e, et qui en suivant le groupe a commencé à me mettre à l'écart de la même façon que les autres. Ça m'avait vraiment marquée parce que jusque là je me disais que les gens me détestaient parce que j'étais une balance, j'arrivais à avoir la force de me dire que leur avis était biaisé et qu'il ne fallait pas que je les écoute, mais de voir cette fille qui ne me connaissait pas dire les mêmes choses qu'eux, j'ai commencé à me dire que c'était de ma faute.
Vers la fin de l'année, lors de la dernière séance de natation de l'année, nous avions pu jouer dans l'eau avec des tapis, tout le monde essayait de monter dessus. Cette fille m'a poussée du tapis volontairement sans aucune raison, et je me suis retrouvée bloquée en dessous. C'est encore une fois ma meilleure amie qui m'a sauvée en me sortant de l'eau.
En 4e, deux évènements marquent mon esprit. Au début de l'année, une fille de la classe a dit devant tout le monde qu'elle nous invitait pour qu'on vienne tous à une fête foraine qui avait lieu dans notre ville. Je commençais à penser que je m'intégrais un peu, je me suis donc sentie concernée par son invitation (d'autant plus qu'elle l'avait dit devant moi). Mais quand j'ai fait signe de vouloir venir, elle m'a dit que j'étais une trouble fête et qu'elle ne voulait pas de moi. Autre évènement, une fois ou ma meilleure amie était partie manger chez elle exceptionnellement, un garçon a couru depuis l'autre bout de la cour pour me plaquer au sol et est reparti en rigolant.
Bref, il y a tant d'autres choses que je ne raconte pas, mais je voulais montrer par ce témoignage que les gens ne se rendent pas compte de ce qu'ils font. Je suis désormais mieux intégrée et ironiquement la plupart de mes amis d'aujourd'hui font partie de ceux qui ne faisaient rien, voire de ceux qui agissaient contre moi (je pense notamment à celui qui m'avait exclut de l'attroupement et à celui qui m'a plaquée au sol). Mais ils ne se rendent pas compte du mal que ça m'a fait. Je leur ai déjà rappelé ces évènements et ils ne se sont pas excusés, et en y réfléchissant je suis arrivée à la conclusion qu'ils ne se rendaient pas compte que leur acte, en apparence infime, faisait partie d'un tout qui blessait énormément. Ils ne se rendent pas compte des conséquences que cela a sur ma vie quotidienne : la peur irrationnelle du regard des autres par exemple, quand je ne supporte pas que quelqu'un rigole dans la rue parce que j'ai peur qu'il soit en train de se moquer de moi, ou bien l'anxiété sociale, les crises d'angoisse, la peur de l'abandon...
Je trouve ça assez aberrant que les gens puissent juger à tel point les autres, leur coller des étiquettes sans même les connaitre, extrêmement rapidement, et que ça puisse affecter la vie de quelqu'un de manière si forte.