Bonjour,
Le harcèlement que j'ai subi a commencé en CP et s'est poursuivi jusqu'en dernière année de collège. C'était tous les jours des insultes, des humiliations, des rabaissements. J'ai eu très tôt une envie profonde de mourir. J'étais dépressive, j'ai développé une phobie scolaire (je simulais des maladies imaginaires pour éviter l'école...), je ne me réjouissais de rien. A la maison, je m'isolais dans ma chambre des heures entières, le velux fermé, je restais dans le noir et je lisais, j'écrivais aussi des histoires. Je pleurais tous les jours. Je n'avais pas d'amis, même en dehors de l'école. Rester dans ma chambre était ma soupape de sécurité où je m'enfermais dans d'autres univers, à travers les livres notamment. Mes parents ne s'en sont jamais inquiété. J'avais trop honte pour en parler ouvertement. J'essayais aussi de les préserver. Un jour, j'ai laissé en évidence une lettre de suicide. Ma mère m'a très brièvement interrogé, je n'ai pas eu le courage de lui dire que ma volonté de mourir était réelle. J'ai prétexté que c'était un personnage fictif dans une histoire que j'avais rédigé. Pourtant, c'était un appel au secours. Mes parents ne m'ont pas aidé.
J'étais très seule, je ne pouvais compter que sur moi-même. Il m'est paru évident dans ma tête d'enfant que mes parents n'étaient pas fiables. Depuis, je ne peux pas m'empêcher, malgré mon souhait de pardonner, de nourrir une certaine colère contre mes parents.
Aujourd'hui, j'ai la trentaine, je suis entourée et je perçois mille raisons de me réjouir. Mais les séquelles sont bien présentes. J'ai une tendance à m'isoler de mes amis, je suis sur le qui-vive en permanence, je n'ai aucune confiance en moi, je ne suis pas ambitieuse alors que j'ai le souvenir très précis de l'avoir été avant le harcèlement, je ne suis pas quelqu'un d'assuré... Je m'auto-sabote dans mes projets professionnels.
Le harcèlement, pardon si cela choque certains, est un viol de l'esprit, c'est déshumanisant. J'en étais arrivé à être considéré pas plus qu'un déchet et à me considérer aussi comme tel.
Je veux apporter mon soutien à tous les enfants harcelés et les adultes ayant été harcelés par le passé. Je veux vous dire qu'il faut continuer à ne pas baisser les bras, le temps apaise les choses même si le traumatisme ne part pas complètement (ce serait mentir que de prétendre le contraire). Pour ma part, j'ai réussi à m'entourer de personnes bienveillantes et empathiques. J'apprends petit à petit à prendre soin de moi. J'ai également appris à m'estimer et je sais qu'en aucun cas, je suis responsable du harcèlement que j'ai subi.
Je vous envoie tout mon amour.